1. Dans son livre « La baignoire d’Archimède ». Jules Zimmermann écrit : « La créativité est la capacité à résoudre de petits problèmes, à planifier, à poser des liens » . Il ajoute que « Si tout le monde n’a pas le même potentiel créatif, tout le monde peut l’être davantage qu’il ne l’est ».
Quels leviers le Lean peut-il apporter pour favoriser la créativité
– par exemple en matière de résolutions de problèmes – dans l’organisation et ainsi dynamiser la reconnaissance professionnelle des collaborateurs ?
Tout part de l’identification du besoin
Quand on est sur le terrain, il faut faire preuve de créativité pour résoudre des problèmes. Cependant, il est crucial de bien poser le problème de départ. Ce n’est qu’ensuite que des solutions pourront être imaginées. Or, trop souvent, les managers ont tendance à raisonner en termes de « causes » et non de « résolution de problème », de « constat » ou « faits tangibles », ce qui bride leur progression. Pourtant, de nombreuses méthodes existent de type PDCA, Kaizen ou DMAIC pour structurer la démarche de résolution de problèmes.
La créativité a besoin de liberté
La peur de la hiérarchie, du changement, la qualité de l’environnement de travail ou la motivation représentent des freins évidents. Pour que la créativité amène à l’innovation – et donc à la reconnaissance professionnelle- il est important de développer une culture collaborative à la résolution de problèmes, à la réponse à un besoin au sein de l’organisation ou en externe sans freiner les collaborateurs, mais en les incitant à sortir du cadre. Il est donc important de débuter ce processus en le décorrélant d’une notion de budget. Penser « combien cela va rapporter ? » plutôt que « combien cela va coûter ? ».
L’innovation est partout, mais il faut tendre vers « l’état idéal futur »
Le philosophe Michel Serres estimait que « la première idée qui apparaît quand on étudie l’innovation est que personne ne la reconnaît et que, par conséquent, elle passe inaperçue ». L’organisation doit donc veiller à bien borner le processus créatif. Il y a de nombreuses méthodes de créativité : brainstorming, brainwriting, Scamper, ASIT…
Dans la méthode « TRIZ » (Théorie de Résolution des Problèmes Inventifs) la matrice de contradictions basée sur l’analyse de très nombreux brevets donne des principes de résolution qui permettent d’orienter la créativité.
En partant du principe issu de la méthode TRIZ dit « L’état idéal futur » toute innovation améliore l’équation de la valeur qui est le quotient Bénéfices/contraintes. En tout état de cause, l’objet de l’innovation est d’augmenter la valeur en augmentant les bénéfices (gains de temps et praticité par exemple) et en réduisant à la fois les coûts et les inconvénients (dépense énergétique, ressources).
La préparation d’une séance de créativité revêt une importance primordiale dans sa réussite, dans la qualité d’interaction entre les idées, les personnes, et les environnements.
Le Lean Action Management pour doper l’engagement
Inspirée du programme « TWI » (Trining Within Industry) du département de la Guerre des États-Unis, la technique pour penser hors cadre se résume à l’acronyme « ECRS » pour « Éliminer, Combiner, Réarranger, Simplifier ».
Deux points de vigilance guident cette approche : si l’apprenant n’a pas appris, l’instructeur n’a pas enseigné. De bonnes relations amènent de bons résultats et inversement.
Les 5 outils que sont les Job Instructions (bonnes pratiques), Job Relations (leadership), Job Methods (optimisation des ressources), Problem Solving (résolution de problèmes) et Job Safety (élimination des situations à risque) visent à créer un environnement de travail serein, et donc à dynamiser l’engagement des collaborateurs.
Les 4 phases du processus créatif
La préparation consiste à prendre conscience du problème, d’un contact d’échec.
Ensuite, se produit une phase d’incubation, sans travail conscient sur le problème identifié. Suivra la phase d’illumination soudaine pour conclure sur la phase d’élaboration, à savoir de la mise en pratique et de la vérification. Cependant, pour être efficace, la créativité doit inclure une reconnaissance professionnelle globale. Elle doit également concerner un travail d’équipe, ce que le Lean Management suscite en favorisant le développement de comportements attendus.
2. Jean-Jacques Gressier expose le concept de « symétrie des attentions » ainsi : « la qualité de la relation entre une entreprise et ses clients est égale à la qualité de la relation de cette entreprise avec ses propres collaborateurs. » Quelles approches le manager, la RH peuvent-ils déployer pour faire prendre conscience aux collaborateurs de leur valeur envers le client ?
L’orientation client est clé de succès
L’immense majorité des collaborateurs veut naturellement satisfaire le client interne ou externe. Cependant, il est primordial d’aimer le produit ou le service livré : c’est la vente qui assure la pérennité de l’organisation ! Le Visual Management constitue par exemple un bon outil en production pour sensibiliser à l’avancement d’une ligne et inciter les équipes à atteindre l’objectif.
Par ailleurs, rester pertinent en fonction des besoins réels satisfaits au fil du temps est une attitude de tous les instants, où l’émotionnel joue une part non négligeable. Révérence, respect et urgence sont des piliers. Le client sait estimer quand son intérêt est traité avec un degré d’urgence élevé. Valoriser cette approche protège et augmente potentiellement les revenus.
Intégrer les « soft skills » dans les fiches de poste
Le savoir-être constitue un critère de plus en plus usité lors des tests en recrutement. Dès 2014, Julien Bouret et Jérôme Hoarau, auteurs de « Le Réflexe Soft Skills » préconisaient de former les RH et managers sur le sujet, de croiser les feedbacks et de se doter d’outils digitalisés pour évaluer les candidats.
Du reste, il incombe aux RH d’élaborer des politiques et des pratiques qui renforcent la satisfaction des clients. Cela en s’assurant que les employés comprennent ces besoins. Le développement d’un contenu de poste susceptible d’enchanter la relation client est une piste, dans le cadre d’une démarche d’acculturation transparaissant via des valeurs, la formation, la responsabilité et la reconnaissance professionnelle.
Un « cadencement Lean » de la reconnaissance professionnelle interne
La reconnaissance professionnelle se traduit dans le collectif, à la manière d’une équipe sportive : pas de buteur sans passeur !
On peut donc imaginer des « awards » qualité pour soutenir les besoins des clients, des lettres et récompenses mensuelles, un événement majeur annuel pour les clients / nouveaux clients. Les buts sont multiples : le développement d’une politique Qualité visant la satisfaction client en continu, mais aussi l’entretien d’indicateurs (traitement des réclamations clients, des garanties, etc.).
Chaque collaborateur doit savoir que son emploi a plus de chance d’être préservé si le client est satisfait !
3. Sophie Cavaliero, autrice de « Compensation & Benefits. Rémunération et avantages sociaux : outils et perspectives des RH » expliquait dès 2014 que la marge de manœuvre sur les augmentations salariales était très faible. Dès lors, comment le lean peut-il favoriser la reconnaissance professionnelle individuelle pour susciter davantage de motivation de la part des salariés ?
Le bien-être individuel impacte le collectif de l’organisation
En favorisant le développement d’attitudes collectives, le Lean repose sur des valeurs humaines qui visent tout autant à susciter l’engagement individuel.
Par-delà la nature financière, la reconnaissance professionnelle peut se matérialiser par l’opportunité offerte à un collaborateur d’avoir un impact transverse sur l’organisation et l’environnement de travail.
Le succès passe aussi par une démarche désintéressée, un souhait de faire progresser l’organisation à travers un événement, une opération, un salon, une action humanitaire, etc. Autant d’actions pouvant impacter positivement la marque employeur, tout en contribuant à l’épanouissement personnel du collaborateur.
Le poids de l’émotionnel
Un directeur de Business Unit m’avait livré cette anecdote, tirée de son vécu professionnel à l’international : Selon lui un collaborateur américain ferait n’importe quoi pourvu qu’il soit bien payé. Inversement, un collaborateur français ferait de même pourvu qu’on le lui demande gentiment.
Bien que cela soit bien caricatural, comment trouver le juste milieu entre le « amazing » à l’américaine et la recherche de la faute ? Deux attitudes prenant trop souvent le pas sur une reconnaissance professionnelle sincère et objective du travail bien fait.
Que ressent-on lorsqu’un manager reconnaît inopinément des efforts ?
Ou bien – et l’impact est encore plus fort – quand le manager d’un autre département verbalise la qualité d’un travail ?
Le Lean propose de multiples critères de reconnaissance professionnelle
La prise en compte d’un ratio qualité / productivité constitue un critère objectif (le « « Vite et bien »). La RH ou le manager sachant détecter cette capacité fera évoluer de contenu de poste. Il ou elle apportera donc une meilleure rémunération salariale. Toute activité de résolution de problèmes, de propositions d’idées peut se traduire en prime.
Mais au-delà de la considération financière, le Lean vise à:
- Encourager le développement du « Savoir, savoir-faire, savoir être »
- Permettre le développement de compétences dans un collectif
- Partager la connaissance – via la formation par exemple – pour susciter la reconnaissance professionnelle.
Pascal CHALOYARD
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Master Black Belt Lean Six Sigma.
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Ingénieur INSA Génie Mécanique, 40 ans d’expérience industrielle.
– A dirigé un bureau d’études industrielles avant de déployer le Lean et le Six Sigma dans un grand groupe à l’échelle Européenne.
– Il coache les Black Belt et les Green Belts avec une expertise des outils d’amélioration continue notamment le Lean.